« Adopte un veuf »

Un film de François Desagnat, avec André Dussollier, Bérangère Krief et Arnaud Ducret.

Une comédie douce-amère pleine d’optimisme

Le pitch. Hubert Jacquin, médecin sexagénaire de renom, souffre de solitude depuis le décès de sa femme. A la suite d’un quiproquos, il se retrouve à héberger Manuela, une étudiante de 26 ans. Si la cohabitation est rude au départ, une complicité va se créer entre eux-deux. Après une soirée arrosée, Manuela et Hubert ont l’idée de faire une colocation dans l’appartement de ce dernier. Arrivent alors Marion, infirmière, et Paul-Gérard, avocat fraîchement divorcé.

L’avis. Avec son affiche où André Dussollier, Bérangère Krief et consort posent façon selfie po-potes, tout-sourire et passe-partout, on a envie de se payer d’emblée « Adopte un veuf ». Ce genre de comédies qu’on qualifie généralement avec un ralliement goguenard de « françaises ». Ce genre de comédies qui pullulent sur les écrans de Noël jusqu’au mois d’août. Ce genre de comédies où les clichés sont aussi nombreux que le nombre d’évadés fiscaux au Panama.

Pourtant, contre toute attente, le nouveau long-métrage de Vincent Desagnat surprend. Bon, c’est une comédie douce-amère mettant en avant l’entraide et la solidarité mais, pour le coup, elle évite de tomber dans les running-gags bateaux et l’enchaînement de punchlines plus ou moins drôles. Ce qui en soit est la recette des trois-quarts des comédies actuelles.

Mieux. Malgré sa trame narrative qui sent a priori le sapin, le réalisateur évite de tomber dans l’opposition facile entre les « d’jeuns » et le troisième âge. Pas de papy qui danse sur de la hardtek, fume un pétard ou décide de se faire tatouer la gueule à Miley Cyrus sur le séant. A contrario, « Adopte un veuf » prône une forme d’optimisme constant qui fait du bien sans pour autant tomber dans la surenchère moralisatrice.

Le deuil du héros principal est suggéré seulement au détour de quelques scènes d’une rare pudeur, évitant ainsi un surlignage poussif auquel on est plutôt habitué dans ce genre de productions. Alors qu’il aurait pu tourner en rond autour de l’histoire de la coloc’ improbable, le film s’éparpille et propose d’autres histoires, tisse de nouvelles pistes.

Les petits bouts de vies de chacun des personnages principaux sont exposés, déliant des rebondissements scénaristiques parfois réussis parfois maladroits, plus ou moins intéressants, plus ou moins convaincants. Mais, sur la longueur, ces intrigues à tiroirs se révèlent assez logiques et fédératrices du thème central qu’est l’amitié.

Finalement, même s’il nous rabâche que l’on s’en sort toujours mieux à plusieurs, le film ne tombe pas dans un sentimentalisme forcé. A une époque hyper-connectée comme celle que nous vivons, on se rend compte que l’on connaît pas (ou plus) son voisin de pallier, sa boulangère ou encore ses collègues de bureaux. Le message véhiculé par le film de François Desagnat est donc aussi éculé qu’important et salvateur.

« Les Visiteurs 3 : La Révolution »

Un film de Jean-Marie Poiré, avec Christian Clavier, Jean Reno et Karin Viard.

Une suite forcée et dispensable, à la limite du nanar

Le pitch. Godefroy et Jacquouille sont toujours perdus dans les méandres du temps. Ils sont désormais bloqués en pleine Révolution française aux prises du terrible Jacqouillet, bras droit de Napoléon Bonaparte. Profitant d’une rixe dans la prison, les deux bougres prennent la fuite…

L’avis. Jamais deux sans trois. L’adage est aussi vieux et galvaudé que cette nouvelle aventure de Godefroy de Montmirail et son fidèle escuyer Jacquouille la Fripouille. Mais remontons les couloirs du temps sans le breuvage de l’enchanteur Eusæbius. 1993. « Les Visiteurs » premier du nom signé Jean-Marie Poiré éclate le score au box-office français. Plus de 13 000 000 d’entrées, des répliques qui deviennent des gimmicks populaires intemporels et l’un des plus gros cartons de la comédie tricolore.

Une suite, moins bonne en 1998 et un remake américain absolument inutile en 2001 et arrive cette troisième épopée. Celle-ci est une suite logique du numéro 2, où les deux larrons en foire à la langue peu châtiée débarquent sous l’ère de Robespierre et là… C’est le néant. Rien. Plus rien. Nada. Le film tourne à vide. Pas de péripéties palpitantes, pas de gags mémorables, un enchevêtrement d’acteurs secondaires plus ou moins inspirés.

Le cabotinage incessant du duo formé par Christian Clavier et Jean Reno agace. Les margoulins ont prit vingt ans dans les dents et vingt kilos dans la tronche. On se dit alors, à l’image du personnage de Danny Glover dans la saga de « L’arme Fatale » (autre franchise cinématographique étirée jusqu’à la corde), qu’ils sont trop vieux pour ces conneries.

À l’instar des Inconnus et leur come-back médiocre avec « Les trois frères le retour » en 2014, le trio Poiré/Clavier/Reno déçoit par cette (auto-)destruction d’une œuvre originale à la fois populaire et cultissime pour des générations de spectateurs. Cette rengaine soi-disant nostalgique ne suffit pas à faire passer la pilule et a comme un arrière-goût de potion qui puire.

Et ce ne sont pas les gags recyclés des opus précédents (Le Sarrasin, le bain, etc…), la réadaptation moderne des dialogues cultes de l’époque qui rattrapent le coup. « Les Visiteurs 3 » est un naufrage ahurissant, un plantage olympique, un amas de bouses. Fini l’opposition bien sentie entre Moyen-Âge et modernité.

Ici il ne reste qu’une comédie d’époque paresseuse et forcée, frisant le nanardesque. Une purge cinématographique monumentale où l’Occupation Nazie côtoie un remix techno plus que douteux d’Era. La fin, délibérément ouverte, tente même une percée pour un hypothétique épisode 4. Avec une telle suite dispensable, il serait peut-être temps de raccrocher la cape, l’épée et la caméra… Okaaaaay?!

« Démolition »

Un film de Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal, Naomi Watts et Chris Cooper.

Le deuil par la destruction

Le pitch. Davis Mitchell, riche banquier, perd sa femme dans un accident de la route. Alors qu’il n’arrive pas à ressentir du chagrin, il établit une curieuse correspondance avec Karen, une employée de service après-vente. Entre temps, il se découvre une passion pour la destruction de mobilier. Réfrigérateur, toilettes, ordinateurs… Tout y passe.

L’avis. Il paraît qu’au Texas, on peut louer une « Anger Room », comprendre une chambre à colère. Ou plutôt une salle pour se défouler. Le but ? Canaliser sa colère en défonçant tout ce qui vous passe sous la main. Après une journée stressante au boulot… PAF ! On casse une chaise. Une embrouille de plus avec madame (ou monsieur, rayez la mention inutile)… PAF ! On fracasse une table. Envie de passer ses nerfs ailleurs que sur son petit frère (ou sa petite sœur, rayez à nouveau la mention inutile)… PAF ! On explose une armoire. Alors, quel lien y a-t-il entre une pièce à la fonctionnalité si ubuesque mais a priori nécessaire au bon fonctionnement dans la vie en communauté et nos bonnes vieilles salles obscures ?

Probablement « Démolition », le nouveau long-métrage de Jean-Marc Vallée, dans lequel l’immense Jake Gyllenhaal se prend pour Valérie Damidot puissance 10. Enfin c’est un peu réducteur. Davis, son personnage, traverse une période difficile de deuil où son chagrin ne peut s’exprimer. Pire. L’absence de chagrin lui fait ouvrir les yeux sur ce qu’est sa vie. Soit un amoncellement de futilités matérielles et d’obsessions financières qui l’ont amené au sommet mais aussi déconnecté de la vie réelle.

La thérapie par la destruction lui permet ainsi de se reconstruire, voire, par certains aspects, de renaître et réapprendre à vivre en réparant ses erreurs. Le film joue admirablement sur une dualité ambiguë entre l’avant et l’après du drame. Entre les souvenirs du couple lors du vivant de l’épouse et cette amitié naissante avec cette étrangère, Karen.

Depuis « Café de Flore », en 2013, le cinéma de Jean-Marc Vallée est guidé par ses personnages. Des héros du quotidien, âmes morcelées et anonymes lambda dans la foule, décidant subitement d’aller à contre-courant d’un certain fatalisme existentiel. Que cela soit Cheryl (incarnée par Reese Whiterspoon) dans « Wild », jeune femme plaquant la civilisation pour traverser les U.S.A., ou Ron (joué par Matthew McConaughey) dans « Dallas Buyers Club » s’improvisant redresseur de tort pour la communauté LGBT dans un Texas homophobe.

Des messieurs et mesdames tout-le-monde qui finalement nous renvoient à nos propres expériences de la vie, à nos instants de doutes ou de félicités. En ce sens, « Démolition » est un formidable rollercoaster émotionnel. Il brasse l’amour, la mort, la vie, l’amitié, la filiation, l’acceptation de nos pulsions ou nos aspirations…

Loin d’être moralisateur, le long-métrage a des allures de fable où le défouloir au tractopelle nous fait retourner à l’instinct le plus primaire mais où, dans la scène suivante, une simple note griffonnée à la main nous ramène à notre condition de simple mortel sans défense. Non dénué d’un humour noir ciselé et aidé d’un montage impressionnant, « Démolition » est sans conteste le meilleur film de son auteur à ce jour et l’une des sorties les plus réussies de cette année.

« Five »

Un film de Igor Gotesman, avec Pierre Niney, François Civil et Margot Bancilhon.

Une comédie décomplexée et réussie

Le pitch. Sam, Julia, Tim, Vad et Nestor se connaissent depuis qu’ils ont six ans. Leurs amitié a traversé les épreuves et le temps pour finalement déboucher sur une coloc’ alors qu’ils approchent la trentaine. Sam, fils d’un riche chirurgien, paye une bonne moitié du loyer. Mais le jour où papa découvre que le fiston a arrêté la fac de médecine pour poursuivre des études de théâtre, il lui coupe les vivres. Ne voulant pas décevoir ses potes, Sam s’improvise dealer afin de faire rentrer du cash…

L’avis. La comédie française compte autant de sous-genres que de navets. Films populaires (« Camping »), rassembleurs de foules (« Intouchables »), divertissements graveleux (« Les Kaïras ») ou encore films de potes (« Five » dans le cas présent)… Y a à boire et à manger, du carton au box-office jusqu’à la petite comédie qui va passer inaperçue.

« Five », malgré Pierre Niney assurant la tête d’affiche, fait partie de ces deux dernières catégories. Comme de juste, ce film de potes manquera de visibilité. Déjà parce que hormis son interprète principal, le long-métrage ne contient aucun acteurs bankables. Pas de Christian Clavier, de Frank Dubosc, de Kev Adams ou autres Kad Merad.

Ensuite, parce que « Five » sort une semaine avant le rouleau compresseur que va être  « Les Visiteurs 3 ». Ce qui est dommage car cette nouvelle suite des aventures de Godefroy de Montmirail et son fidèle Jacquouille va forcément attirer les spectateurs et occulter ce premier film d’Igor Gotesman.

Floués ou curieux au départ, ravis ou déçus à la sortie, les gens iront voir ce troisième épisode presque en courant… Histoire de voir, dans un grand élan de nostalgie, s’il n’y a pas un petit quelque chose à récupérer ou à se mettre sous la dent. Histoire de rigoler. Sans pour autant juger un film à sa bande-annonce ou à son affiche avant même de l’avoir vu, il est quand même dommage que la comédie française ne sorte quasiment jamais des sentiers battus. Si en fait… Parfois ça arrive.

Revenons donc à « Five ». Cette comédie de potes lorgnant vers du Judd Apatow (grand mogul de la comédie U.S.) et qui a des fausses allures de « Arnaque, Crimes et Botanique » sans la sauce British, est une jolie surprise. Car, dans un premier temps, c’est une comédie à laquelle on ne croit pas.

Voix-off moralisatrice introduisant en flash-back le récit, personnages clichés et stéréotypés, musique electro pour montrer à quel point ce divertissement est « saucé »… Ça part mal. Pourtant, passé les premières minutes, « Five » se révèle être une comédie travaillée, réussie et assez décomplexée.

Malgré la caricature les personnages sont attachants, l’humour pas très fin mais clairement en adéquation avec l’époque fait mouche et le rythme scénaristique claque bien, ne laissant aucun temps morts. Le plus dur, finalement, dans une comédie est de ne pas tomber dans l’énumération de gags plus ou moins drôles afin de déguiser un scénario qui a l’épaisseur d’un string.

Ici, les rebondissements sont amenés de façon aussi inattendu que tendu, permettant de tenir en haleine jusqu’au dénouement, créant au passage une symbiose particulière avec les héros. Une relation entre les personnages à l’écran et le public qui manque cruellement dans les comédies françaises actuelles.

La faute à un nombrilisme permanent et une propension à enfoncer des portes ouvertes en matière d’humour. « Five » n’est pas une révolution en soi, mais c’est un divertissement qui ne prend pas ses spectateurs pour des C.O.N.S., prouvant également au passage qu’en France la maîtrise de l’humour n’attend pas le nombre d’années derrière la caméra (ou de suites enfilées les unes après les autres).